Associé d’Ekno, Jean-Marc Atlan réagit au nouveau nom de la nouvelle Région Auvergne – Rhône-Alpes et imagine les conseils qu’aurait pu donner une « boîte de com’ » à Laurent Wauquiez.
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Ce sera Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a tranché : « Lorsqu’on a la chance d’avoir des territoires avec une si belle identité que sont Rhône, Alpes et Auvergne, on ne les échange pas contre une invention marketing hors sol ou un acronyme désincarné ». Et d’ajouter ne pas vouloir « qu’on gaspille de l’argent dans une boite de communication » ou « qu’on tombe dans la folie des Hauts de France ou dans des noms du type PACA qui ne veulent rien dire ». Oublions l’amalgame à la mode entre communication et gaspillage, consubstantiel à tout discours populaire. La chose politique n’étant, comme chacun sait, jamais affaire de communication. On ne saura que dans quelques années si ce choix de nom est pertinent. Mais on sait déjà qu’il est plus orienté vers le passé que vers l’avenir, plus alphabétique que dynamique, et plus politique que stratégique.
Se contenter d’accoler les noms précédents n’est pas une panacée. Certes, Rhône, Alpes et Auvergne sont des atouts, mais cela exclut d’autres ressources non moins totémiques du territoire et ne le projette pas précisément dans l’avenir. Ne nous moquons donc pas des Hauts de France ou de Grand Est. Car la nouveauté a la vertu symbolique de tourner les pages plus vite et d’éviter les crispations identitaires à n’en plus finir. Parmi elles, la question névralgique de l’ordre : « On me disait que Rhône-Alpes Auvergne se prononçait plus facilement, que c’était plus dynamique. (…) Je suis resté fidèle à l’Auvergne. ». En défiant le rythme naturel des mots, le président admet instrumentaliser le nom pour donner aux auvergnats le sentiment d’être devant. On peut le critiquer, mais cela a valeur de message.
Le risque est aussi de laisser in fine l’usage décider. Car la tendance est à la simplicité donc aux ellipses. On disait jusqu’ici plus volontiers Languedoc ou Nord. Et lorsque réduction il y a, c’est la marque forte qui s’impose. Quant aux acronymes, ils sont souvent moins choisis que subis pour des noms trop longs, comme Paca… À cet égard, espérons ne pas devenir la Région Ara ! Opter pour Aura, soussigné Auvergne-Rhône-Alpes pour accompagner une transition, aurait été plus dynamique, avec un nom maîtrisé, signifiant et valorisant. Une invention marketing n’est donc pas mécaniquement hors-sol ni dénuée de noblesse dans ses intentions.
On retiendra trois points essentiels.
- L’exercice est d’autant plus épineux que l’objet à nommer n’est pas clair. Que sont nos nouvelles régions aux périmètres élargis ? Des territoires géographiques ? Des bastions politiques ? Des acteurs économiques ? Si ce sont avant tout des acteurs économiques à positionner dans la globalisation – l’effet de taille recherché l’indique sans le dire clairement -, l’identité historique manquera souvent de contenu et de portée face à l’enjeu d’attractivité.
- Il n’y a pas de vérité toute faite en matière de noms, la modestie doit toujours rester de mise. L’usage et l’avenir nous diront qui avait raison. Selon que les acteurs se seront appropriés ce nom et qu’il aura constitué un levier d’attractivité. Car, choisir un nom ne signifie pas vouloir contenter uniquement des équipes, des habitants ou des électeurs.
- Les choix d’identité ne se résument pas à une perspective historique, car il ne s’agit pas seulement de signifier ce que l’on est, mais tout autant ce que l’on veut devenir. Après tout, lorsque l’on se transforme et construit son identité, convoquer et respecter l’histoire ne doit surtout pas interdire d’essayer de l’écrire.
Quel sera donc notre projet de région dont ce nom devra être l’étendard ? Même s’il faudra cacher ces boites de com qu’on ne saurait y voir, une région au poids économique comparable au Danemark et supérieur à l’Irlande, au Portugal ou à la Finlande, pourrait néanmoins considérer que sa marque territoriale vaut bien quelques euros.