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Du sens s’il vous plait !

Du sens s’il vous plait !

Connaissez-vous le brown-out ?

À en croire les chercheurs britannique et suédois André Spicer et Mats Alvesson, auteurs du livre The Stupidity Paradox, il s’agirait d’une baisse de courant psychique causée par l’absurdité des tâches confiées ; une sorte de perte d’énergie, source de démotivation et de désinvestissement progressifs. Au cours de cette « crise existentielle », le collaborateur expérimenterait une réelle incompréhension des tâches professionnelles dont il a la charge, en raison de leur caractère absurde ou parce qu’elles rentreraient en conflit avec ses valeurs.

Après le burn-out (surmenage) et le bore-out (syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui), voici donc la nouvelle pathologie de l’employé moderne, ou devrions nous dire une nouvelle étiquette apposée sur une problématique qui ne date pas d’hier : la souffrance au travail.

Mal du siècle ou mal du sens ?

L’entreprise deviendrait-elle bête ? Ou tout du moins, la bêtise ferait-elle partie intégrante du fonctionnement habituel de l’entreprise ?

C’est le propos d’André Spicer et Mats Alvesson, qui dédient un ouvrage à cet « état de stupidité au travail », qui semblerait guider le fonctionnement opérationnel de nos entreprises. Paradoxe inouï car la société ne s’est jamais autant revendiquée comme une économie du savoir, qui mettrait en mouvement des individus brillants, encouragés par des entreprises intelligentes à mettre à profit leurs capacités d’analyses et leur créativité, pour mener à bien des projets ambitieux.

En opposition complète avec les discours managériaux ambiants, la thèse est développée dans ces pages que jamais autant de gens intelligents n’ont été conduits à faire des choses d’une pareille bêtise. Contraints par le poids des règlementations et une certaine normalisation des pratiques, enfermés dans des domaines d’expertises pouvant s’avérer limitant, guidés par une quête irréfrénée de positivisme, nous aurions tendance, souvent par facilité ou flagornerie, à appliquer et reproduire sans réfléchir des pratiques existantes de notre environnement (profession, entreprise, concurrents…). Cette « stupidité fonctionnelle » revêtirait un certain nombre d’avantages : harmonie, stabilité, mise en action rapide, efficacité… des bénéfices court-termistes qui risqueraient à plus long terme de flouer les prises de décision, par manque de réflexion.

Car réfléchir serait non seulement fatiguant, mais aussi dangereux. Poser des questions conduirait à remettre en cause des pratiques, des habitudes, des modes de management, voire le but fondamental de son entreprise. Source de conflits et de confusion, questionner ferait également perdre du temps en soulevant des débats et des complexités déstabilisant l’équilibre fragile des sociétés.

Rien de surprenant donc à ce que certains souffrent de cette sorte de conformité dénuée de réflexion, faute de mise à profit de leur capacité de raisonnement dans les organisations.

Un tableau noir, certes, mais qui vaut la peine d’être dressé pour donner un peu de sens à ce que nous faisons au quotidien. Et si nous décidions donc de prendre une bouffée d’air cérébrale en challengeant un peu les modèles existants ? Une pointe d’observation, d’analyse et de questionnements pour exercer notre esprit critique, au risque parfois de sortir de notre zone de confort, mais au profit surtout de la pérennité de nos entreprises, car disons le : nous en attendons beaucoup !

Du concept de « l’utile » dans l’entreprise

Qu’on le sache ou qu’on l’espère, la responsabilité de l’entreprise dépasse largement ce qui se déroule entre ses murs ou dans les frontières de son activité. Et son rôle sociétal semble s’accentuer, comme le déclare André Benayoun, auteur de « L’entreprise à visage humain » : « Dans un contexte d’affaiblissement de l’Etat et de ses moyens d’actions, les entreprises quels que soient leurs tailles, leurs anciennetés, leurs expertises, leurs domaines d’activités, apparaissent de plus en plus aux yeux du grand public comme des « institutions » porteuses de bien public et de l’intérêt général. » Pour preuve, selon une récente étude IFOP(1), les français déclarent l’entreprise d’utilité publique : 60% d’entre eux pensent ainsi qu’elle est plus utile que l’Etat, et 51% jugent que son rôle est d’abord d’être utile à la société dans son ensemble, avant ses clients (34%), ses collaborateurs (12%) ou ses actionnaires (3%). C’est d’ailleurs le dirigeant de PME qui devient la figure déclarée la plus utile à la société à 88%, devant le PDG de grand groupe (62%) et loin devant le responsable politique (16%).

N’en déplaise donc à Elise Lucet et sa vision du monde merveilleux des affaires, l’entreprise concentre toujours de grands espoirs et ce n’est pas la trentenaire que je suis qui vous dira le contraire. Les trois quarts de la génération Millenials (2) ont toujours une haute estime de l’entreprise (3), estimant qu’elle a un impact positif sur la société au sens large. Un chiffre d’autant plus parlant qu’il est stable depuis 3 ans, preuve que nous restons optimistes quant au potentiel des entreprises à faire le bien. C’est donc confirmé, le succès ne se mesure plus (seulement) à un simple compte de résultat ou à la génération de performances économiques et de profits.

Et moi dans tout ça !

Plus cohérents qu’on ne le pense les Millenials ! Dans la lignée de leurs croyances sur l’entreprise, ce n’est pas l’argent qui les motive. Non, ils veulent avant tout contribuer à l’impact positif sur la société qu’ils confèrent à l’entreprise, tout en restant en adéquation avec leurs valeurs. En d’autres termes, ils souhaitent participer à quelque chose qui les dépasse. Mais pas aux dépens de leur vie personnelle.

Comment faire donc pour que les Millenials, qui représentent entre 40 et 50% des effectifs des entreprises françaises (75% à l’horizon 2020(4)) s’investissent pleinement dans leur travail ? Pas de recette miracle, mais commençons par leur expliquer clairement la mission de leur entreprise et, plutôt que de se focaliser sur les tâches, mobilisons-les sur les objectifs fixés pour que chacun contribue à sa manière à cette mission. Pas de surprise donc si les questionnements autour de l’identité des entreprises et les réflexions en lien avec la marque employeur prennent de plus en plus de place dans les plans de communication, non seulement pour attirer les talents, mais aussi pour fidéliser et entrainer les forces vives. Au-delà des déclarations d’intention, le secret d’un collaborateur épanoui reposera sur l’écoute et la prise en compte de ses opinions ainsi que sur sa marge de manœuvre – ce qui sera encore plus vrai demain avec l’arrivée sur le marché de la génération Z, plus entrepreneuse que jamais – Et ce dans le respect de valeurs ainsi que le partage de convictions portées par les dirigeants et vécues dans l’entreprise.

Si c’était tout simplement cela le challenge de demain : réaligner les faits et le fonctionnement de l’entreprise avec d’une part sa mission et d’autre part, les valeurs personnelles de ceux qui la font vivre ?

Une cohérence recherchée par les collaborateurs de l’entreprise mais aussi par les parties prenantes de son écosytème. Parce que les Millenials, contemporains de Facebook, mettent dans le collaboratif de puissants espoirs. Et l’émergence de nouveaux modèles économiques « ubérisés » en fait la démonstration : la création de valeurs n’est plus l’affaire d’individus ou d’organisations isolés, mais toujours plus connectés. D’ailleurs connaissez-vous la Nomophobie ?

Contraction de « no mobile phobia », il s’agit de l’angoisse de ne pas avoir son smartphone à portée de main…

Mais ça, c’est une autre histoire !

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(1) source : Enquête IFOP pour Terre de Sienne, réalisée auprès de 1 164 Français représentatifs de la population française active, du 12 au 16 juillet 2016 – Et si les entreprises devenaient d’utilité publique.

(2) Les Millennials, aussi appelé les digital natives, génération Y, ou encore « WE-I génération » regroupent ceux qui sont nés entre les années 1980 et 2000. Il s’agit donc aujourd’hui des 15-34 ans.

(3) source : The 2016 Deloitte Millennial Survey

(4) source TNS Sofres, les Millenials prennent la plume